La guerre en Ukraine minera-t-elle la reprise économique annoncée après la pandémie ?
La guerre en Ukraine constitue un nouveau choc énergétique et inflationniste pour l'économie européenne, qui vient s'ajouter aux problèmes encore non résolus de l'offre et des goulots d'étranglement provoqués par la pandémie. Les entreprises énergivores vivent des temps compliqués, le panier des ménages est plus cher, le pouvoir d'achat diminue, la croissance ralentit. Comment guider votre entreprise durant une période difficilement prévisible ? Nos experts vous aident à traverser cette nouvelle tempête économique.
Peur et spéculation sur les marchés de l'énergie
Les prix de l'énergie augmentent depuis l'été 2021
Si le pic de la demande mondiale de produits énergétiques résulte d'une conjonction de conditions post-pandémiques, nous connaissons aussi un phénomène structurel : la première phase du passage du système énergétique fossile aux énergies renouvelables, avec le gaz naturel en guise d'étape intermédiaire.
L'offre diminue pendant que la demande poursuit sa hausse
Le problème principal est que la demande sur le marché mondial de l'énergie continue d'augmenter alors que l'offre reste en retrait, voire diminue. Géopolitique, transition énergétique, innovation : tout est simultané. Outre les centrales énergétiques allemandes et belges, l'ensemble des centrales au charbon seront également démantelées à terme. L'offre de produits énergétiques diminue, ce qui provoque une pression ascendante sur les prix.
Avant le début de la guerre en Ukraine, la spéculation et la peur régnaient déjà depuis des semaines sur les marchés de gros de l'énergie. La moindre nouvelle concernant d'éventuels problèmes d'approvisionnement poussait le prix du pétrole et du gaz vers le haut. L'électricité a suivi.
L'invasion russe en Ukraine propulse les prix vers des sommets
La guerre en Ukraine constitue un nouveau choc énergétique et inflationniste pour l'économie européenne, qui vient s'ajouter aux problèmes encore non résolus de l'offre et des goulots d'étranglement provoqués par la pandémie.
La guerre en Ukraine a un impact économique considérable sur l'Europe, qui importe 38 % de son gaz et 25 % de son pétrole de Russie. À l'heure actuelle, l'Europe ne peut pas se passer de ces importations pour le chauffage, la mobilité et la production d'électricité.
Adaptation aux prix croissants de l'énergie par le biais de la « destruction de la demande » ?
Si l'offre stagne, la demande doit diminuer
La demande européenne doit diminuer de 10 à 15 % d'ici l'hiver prochain pour être en mesure de faire face à une éventuelle fermeture du robinet du gaz russe, a calculé Bruegel, un centre de réflexion bruxellois.
La façon la moins douloureuse de réduire cette demande passe par une politique axée sur la limitation de la consommation d'énergie. Il est toutefois plus probable que le marché s'adapte brutalement à la hausse des prix de l'énergie, par le biais d'un mécanisme que les économes appellent « destruction de la demande » : des économies auto-imposées. Selon des calculs du négociant en pétrole néerlandais Vitol, un bond du baril de pétrole à 200 $ entraînerait une diminution « volontaire » de la consommation des entreprises de l'ordre de 2 millions de barils par jour.
Les entreprises énergivores font face à des décisions compliquées
Les directions des entreprises énergivores vont devoir prendre des décisions difficiles. Le gaz naturel représente par exemple plus de la moitié du coût de production de l'ammoniac, une matière première des engrais chimiques notamment.
Certaines entreprises consommant énormément d'énergie peuvent s'appuyer sur des contrats à prix fixe ou répercuter facilement les hausses de prix sur leurs clients, mais pour d'autres entreprises qui doivent essuyer des pertes, c'est très ennuyeux. Une réduction de la production, voire un arrêt complet, est alors rapidement envisagé.
Les PME diminuent également leur production
Pour les PME du secteur manufacturier ou de l'horticulture en serres aussi, les factures énergétiques peuvent monter très haut. En février 2022, les horticulteurs belges ont déjà livré 60 % de tomates et 36 % de concombres en moins en raison des prix de l'énergie en forte hausse. En hiver, ils doivent affronter des températures basses et des journées peu lumineuses avec des installations de chauffage et des lampes à gaz. La culture est devenue déficitaire, poussant de nombreux cultivateurs à planter moins.
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Le pétrole et le gaz naturel ne sont pas les seuls à poser problème
La Russie représente 6 % de la production mondiale d'aluminium, 7 % de l'approvisionnement en nickel, 12 % de la production de pétrole brut, 19 % des exportations mondiales de blé et de gaz naturel, 25 % de la fourniture de cuivre et 50 % de la production de palladium.
Les prix de toutes ces matières premières sont en train de grimper en flèche. L'évolution des prix sur les marchés des matières premières menace également de toucher le portefeuille des ménages belges ou de provoquer des pertes d'emploi et d'impacter les revenus des gens.
La production en danger ?
Les pénuries d'aluminium peuvent entraver la production de biens très divers, des boissons en canette aux voitures. La raréfaction du nickel pourrait de son côté bloquer la construction des véhicules électriques. Le palladium est quant à lui utilisé dans les pots d'échappement des voitures, les téléphones et les plombages. L'Ukraine est en outre un producteur important de néon, un gaz employé pour produire les puces informatiques.
La croissance économique stagne en raison de la baisse du pouvoir d'achat
La guerre en Ukraine porte également un coup dur à la reprise économique qui a suivi la pandémie. Selon la BCE, le pouvoir d'achat des ménages avait déjà baissé de 2 % fin février 2022.
« Le choc énergétique représente une baisse de 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) européen », explique Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale de Belgique dans De Tijd.
BNP Paribas Fortis s'attend à ce que l'économie belge échappe de justesse à une récession, qui correspond généralement à deux trimestres successifs de croissance négative. « Nous prévoyons une contraction de l'économie belge au premier trimestre et une croissance nulle au deuxième, avant une normalisation à partir du troisième », déclarait le chef économiste Koen De Leus dans l'édition de De Tijd du 7 mars 2022. « Nos prévisions supposent que le prix du pétrole continuera encore un peu de fluctuer autour de 130 dollars le baril avant de redescendre progressivement à 110 dollars fin juin, puis à 90-100 dollars en fin d'année. »
La guerre en Ukraine : Comment la situation va-t-elle évoluer ?
Après la guerre, la situation se stabilisera à terme, mais la vitesse de la reprise dépendra de la durée du conflit, de l'ampleur des dégâts et des sanctions qui seront maintenues.
Scénario 1
Si le conflit se résout relativement vite, il faut toujours tenir compte d'une accélération de l'inflation au premier semestre 2022. Dans ce scénario, la croissance économique serait ralentie ici et là par des perturbations des chaînes d'approvisionnement, mais reviendrait à la normale dans le courant de l'année.
Scénario 2
Si le conflit venait à s'éterniser, les conséquences économiques seraient plus grandes. On assisterait à une aggravation significative de la crise de l'énergie et des matières premières. Cela mènerait à une stagflation, une situation associant un taux d'inflation élevé et un ralentissement économique ou une récession pendant une période prolongée.
Quoi qu'il en soit une nouvelle tempête économique
Quoi qu'il en soit, les entreprises et les ménages belges devront essuyer une nouvelle tempête économique. La situation financière est surtout préoccupante pour les entreprises et les ménages qui ne se sont pas encore remis financièrement de la pandémie.
Séminaire : Comment guider votre entreprise durant une période difficilement prévisible ?
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